« Madame LE président » sanctionné à l’Assemblée Nationale

jeudi 9 octobre 2014
AP

Le machisme on le sait est déjà bien inscrit sous les ors de l’Académie Française qui refuse depuis 1984 – 30 ans – la féminisation des fonctions. L’UMP s’est souvent servie de ce diktat de l’Académie pour chercher querelle au PS.  Pour clore les dissensions au sein de l’Assemblée Nationale, son bureau avait pris une instruction en 1998 et l’a rappelée en 2000 qui fait obligation de féminiser les fonctions exercées dans l'Assemblée par des femmes. Mais certains députés sont plus durs à la tâche que d’autres et semblent tellement peu supporter qu’une femme puisse être députéE ou présidentE de séance qu’ils persistent à l’appeler Monsieur ou madame le président.

Le député UMP Julien Aubert fait sans doute parti de ceux là. Lundi soir, lors des débats sur la transition énergétique, le député s’est obstiné à appeler la présidente de séance Sandrine Mazetier (PS) « Madame le président » et non « madame la présidente » comme le veut le règlement de l’Assemblée.  A bout après plusieurs rappels à l’ordre infructueux du député, Sandrine Mazetier lui a lancé : « Monsieur Aubert, soit vous respectez la présidence de la séance, soit il y a un problème. C'est madame LA présidente ou il y a un rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal ». Mais le député lui a répondu  avec un ton provocateur : « Faites un rappel à l'ordre. Moi j'applique les règles de l'Académie française ». 

Pourtant, le rappel à l’ordre a refroidi les humeurs belliqueuses de Julien Aubert  qui a cessé de dire « Madame le président » mais  a continué à appeler Ségolène Royal « Madame le ministre ». Au final, le combat absurde et vain de Julien Aubert contre la féminisation s’est soldé par un rappel à l’ordre qui lui vaudra d’être privé pendant un mois de 1378€ soit le quart de son indemnité parlementaire. Toujours dénué de finesse, le député a ironisé : « On me sanctionne au même rang que quelqu'un qui aurait fait un doigt d'honneur à la présidence. Je n'ai fait que parler français :  mea maxima culpa ».

 

Beaucoup de bruit pour rien….

Mais comme le rappelle François de Rugy, le coprésident du groupe des Verts, Julien Aubert n’en était pas « à son coup d’essai ».  En janvier, il s’était déjà accroché avec la vice présidente de l’Assemblée Nationale Sandrine Mazetier qui lui avait lancé car il refusait de féminiser son titre : « Monsieur la députée, vous étiez la dernière oratrice inscrite ».  A l’automne 2012, c’est Cécile Duflot qui avait eu un échange similaire avec l’ex président UMP de l’Assemblée Nationale, Bernard Accoyer.  La députée écologiste lui avait lancé : « Je suis une femme. Je vous prierai donc de m'appeler "Madame la ministre" », avant d’ajouter : « Sinon, je me verrai dans l'obligation de vous appeler (...) "Monsieur la députée" ».

L’UMP s’est bien entendu emparé de cet incident en désignant Julien Aubert comme le crucifié de l’Assemblée. S’est ensuivi mardi après midi, plus de 45 minutes de discussion à la reprise des débats, l’UMP venant en masse dans l’hémicycle jouer les  « mater dolorosa » et dénoncer par la voix de son chef de file Christian Jacob, « une sanction scandaleuse ». Ils ont demandé au président de l'Assemblée Claude Bartolone le respect de « la liberté de parole des députés » en annulant cette sanction. Puis chacun voulant faire entendre sa voix, les députés UMP ont rivalisé dans l’indignation en tricotant une camisole à la féminisation. Et après l’invective de « dictature idéologique insupportable » de Jean-Frédéric  Poisson  ou celle de Eric Ciotti « Police de la pensée », le président de l’Assemblée Nationale Claude Bartolone, a refroidi ces esprits agités en clôturant le débat : « Ce n'est pas l'Académie française qui fixe les règles de l'Assemblée nationale, c'est le bureau ».

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

La féminisation des fonctions vue par l’Académie Française (site officiel)

 

 

Laisser un commentaire