Polémique après les propos de Victorin Lurel sur Chavez

mardi 12 mars 2013

« Chavez c’est de Gaulle plus Léon Blum »… Cette petite phrase qui en a laissé plus d’un coi, est de Victorin Lurel, le ministre des Outre-mer. Cet antillais grande tient, né en Guadeloupe où il fut député et président de région, n’a pas su taire son émotion et son admiration pour le leader maxima vénézuélien après la cérémonie funéraire où il représentait le gouvernement français. D’ailleurs, le lendemain du décès, Jean Luc Mélenchon s’était déjà distingué et jouant à merveille sur la fibre provoc’, il avait rendu un vibrant hommage à Chavez, à sa défense des pauvres et à son « idéal inépuisable de la révolution ».

Et les tweet ont encore orchestré le buzz provoqué par les propos du ministre à l’instar de celui indigné, du député UDI et ancien ministre de la défense Hervé Morin : « J’ai honte pour mon pays (…) M. Hollande réagissez ! ». Pour sa part, le président Hollande avait affiché une certaine retenue dans son communiqué de condoléances, tout comme Najat Vallaud-Belkacem. « Hugo Chavez ne laissait personne indifférent et, sans nécessairement partager ses orientations, on ne peut évidemment que saluer la volonté qui était la sienne de justice et de développement », avait déclaré la porte-parole du gouvernement.

Droit de l’homme or not droits de l’homme ?

En vérité, le ministre des Outre-mer ne s’est pas arrêté en si bon chemin et a poursuivi son éloge funéraire aux micros de RTL et Europe 1. « Moi je dis, et ça pourra m'être reproché, (...) que le monde gagnerait à avoir beaucoup de dictateurs comme Hugo Chavez puisqu'on prétend que c'est un dictateur. Il a pendant ses 14 ans [au pouvoir] respecté les droits de l'Homme » a asséné le ministre. On ne peut pas reprocher à feu le leader vénézuélien d’avoir manqué de charisme mais sur les droits de l’homme, des questions troublantes restent en suspens.

Ainsi, la décision en septembre 2012 d’Hugo Chavez de retirer le Venezuela de la Commission interaméricaine des droits de l'homme et de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) ne va certes pas dans ce sens. Amnesty International s’était d’ailleurs insurgé contre cette décision : « Ce retrait constitue un affront pour les victimes de violations des droits humains et pour les futures générations de Vénézuéliens qui ne pourront plus faire appel à cette instance supranationale lorsqu'ils ne parviennent pas à faire valoir leurs droits dans leur pays ». Pour la petite histoire,  Chavez avait jugé « aberrant » un arrêt de la Cour interaméricaine sur les mauvais traitements subis en prison par Raúl José Díaz Peña, accusé de terrorisme. De son coté, l’Observatoire vénézuélien des prisons (OVP) a enregistré 5 370 morts de détenus et plus de 15 000 blessés depuis l’arrivée de Chavez au pouvoir, en 1999.

Concert d’indignations

Et dans l’Hexagone bien entendu, les voix se sont faites entendre toutes plus aigues, contre les déclarations d’admiration du ministre. Manuel Valls agacé a réagi avec l’emportement d’un homme du sud : « J'en ai marre de participer à ces petites polémiques qui nous éloignent de l'essentiel », a-t-il fulminé dimanche soir lors de l'émission BFM Politique. Plus posée et plus calme, la ministre des affaires sociales Marisol Touraine a invité les esprits à ne pas oublier « les faces sombres du chavisme » lors d’une interview au Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI. En digne fille de son père Alain Touraine, sociologue des mouvements sociaux, elle a poursuivi apaisante et faisant la part des choses : « Le bilan sur les droits de l'homme est contrasté, faire de Chavez une figure de référence internationale n'a pas de sens, mais oublier son charisme et ce qu'il a fait pour les plus pauvres serait également une faute ». Et a rappelé le soutien de feu Hugo Chavez au régime iranien comme l’avait fait dans la matinée Anne Hidalgo sur Europe 1.

Puis vinrent la queue leu leu, les chantres de la droite qui ont fait vibrer de concert leur « indignation » en poussant des cris d’orfraie et fidèles à une tradition (nouvelle ?) française sortie de la vieille garde de la droite mortifiée, ont réclamé « que le président de la République, le Premier ministre, s'excusent » de la « faute grave » de M. Lurel. Et cette symphonie d’indignations s’est encore ressourcée dans les propos (prévisibles) de la présidente du Medef, Laurence Parisot qui a accusé le ministre des Outre-mer de « déshonorer notre pays en s’exprimant ainsi ». Et c’est en protectrice du CAC 40 qu’elle a poursuivi sa déclaration en reprochant à Chavez de n'avoir pas su profiter de la richesse pétrolière de son pays, et d'avoir « fait en sorte que toutes les élites quittent le pays ».

Véronique Pierron

 

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