Raboter le quotient familial plutôt que réduire les allocs

mardi 4 juin 2013

C’est fait. Le gouvernement a tranché. Lundi, la décision a donc été prise de baisser le plafond du quotient familial de 2 000 à 1 500 euros pour diminuer de quelque 2 milliards d'euros les prestations familiales. Cette mesure devrait rapporter un milliard d’euros dès 2014 et concerner 1,3 million de ménages, soit 12 % des ménages avec enfants. Ils verront en moyenne leur impôt augmenter de 64 euros par mois, selon les calculs du gouvernement. Derrière ce terme un peu barbare de quotient familial se cache une mesure instaurée après la seconde guerre mondiale pour inciter les couples à la natalité. L'idée est de moduler l'impôt sur le revenu en fonction du nombre d'enfant d'un ménage.

Toute personne ayant déjà rempli une feuille d’impôt sur le revenu connait ce système puisque c’est celui des parts. En bref, le revenu imposable est divisé par le nombre de parts qui composent le foyer fiscal, selon la règle suivante : une part par adulte, une demi-part pour les premier et deuxième enfants et une part par enfant supplémentaire. Un foyer composé d'un couple avec 2 enfants dispose de 3 parts, le même couple avec quatre enfants, 5 parts. Le montant de l'abattement est plafonné à 2 000 euros par demi-part supplémentaire, sauf dans les cas de parent isolé, de veuvage ou  d’invalidité. Au-delà de ce plafond, on ne peut plus réduire son revenu imposable en fonction du nombre d’enfants. Donc, la finalité de la mesure consiste à limiter l'avantage octroyé par le quotient familial puisqu’abaisser le plafond de 2000 à 1500 euros revient à limiter l'avantage octroyé aux familles nombreuses aisées.

Cette mesure a été préférée à celle plus sensible de réduire les allocations familiales des familles les plus aisées. Aujourd’hui, les allocations bénéficient à 4,7 millions de ménages sans conditions de ressources et sont versées chaque mois à partir du deuxième enfant (127,05 euros pour deux enfants). Dans le rapport Fragonnard dévoilé le 4 avril dernier, plusieurs scénarios étaient à l'étude : diviser par deux ou trois les allocations familiales au-dessus d'un plafond (par exemple par trois pour les ménages avec deux enfants gagnant plus de 5771 euros nets mensuels) ou moduler les allocations familiales avec un barème dégressif.

La promesse de ne pas augmenter les impôts reniée

Toutefois, par cette décision de baisser le plafond du quotient familial, le gouvernement renie sa promesse de ne pas augmenter les impôts en 2014 et de privilégier les baisses de dépenses. Mais la réforme vise au total, 1,1 milliard d'euros d'économies dès 2014, portées à 1,7 milliard en 2016, dans l'objectif de rétablir l'équilibre de la branche famille de la Sécurité sociale à cet horizon. Le déficit s'élevait à 2,5 milliards d'euros en 2012. Et surtout, cette mesure est moins risquée politiquement que la modulation des allocations familiales en fonction des revenus qui aurait selon les associations familiales, remis en cause  le « principe fondateur d’universalité » car les allocations sont versées à toutes les familles sans condition de ressources à partir du second enfant.

D’ailleurs, le chef de l’Etat a justifié son arbitrage dans les colonnes du journal La Provence du 4 juin en expliquant que cette diminution de plafond était « plus « plus juste, plus simple et plus efficace » que la réduction des allocations car « elle ne concerne que 12 % des ménages, les plus aisés ». Dans le sillage de cette déclaration, l'Union nationale des allocations familiales (Unaf) s'est dite « soulagée », qualifiant le choix du gouvernement de « moindre mal ».

Pourtant… Pourtant, la piste abandonnée recueillait l'approbation de 68 % des Français selon un sondage Viavoice pour Les Echos, France Info et BCPE, publié le 30 mai dernier mais les syndicats affichaient une opposition tenace ainsi qu’une partie de la gauche. Pour justifier l’action du gouvernement, le premier ministre Jean Marc Ayrault a déclaré à l’issue d’une réunion à Matignon avec les membres du Haut Conseil à la Famille : « Tout notre défi (...) alors que ce modèle français connaît des difficultés financières, c'est de le sauver, de le préserver ». « Pour y parvenir il faut réformer le modèle social français en le pérennisant dans ses financements, en le rendant plus juste dans sa mise en œuvre, et en étant plus solidaires pour assurer son financement », a poursuivi le premier ministre. Idée sur laquelle a rebondi la ministre déléguée à la famille Dominique Berninotti : « Il fallait trouver un modèle qui permette plus de justice ».

Soutien aux familles les plus modestes et critiques à droite

Pour accompagner cette réforme, d’autres mesures d’économies ont été prises  et certaines concerneront la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) qui sera « recentrée sur les familles en ayant le plus besoin », tandis que la réduction d'impôts pour frais de scolarité dans le secondaire sera supprimée. Le congé parental sera réformé pour inciter les pères à le prendre. Le gouvernement ne renonce pas pour autant à favoriser les familles les plus modestes, nombreuses ou monoparentales, car elles recevront des aides supplémentaires. Il a aussi annoncé qu'il entendait développer 275 000 places d'accueil pour les enfants de moins de trois ans: 100 000 en crèche, 100 000 chez des assistantes maternelles et 75 000 en école maternelle.

La ministre des affaires sociales Marisol Touraine a déclaré « Cette politique est assez exemplaire » car « Cela montre que l'on peut réaffirmer les valeurs de la gauche, la justice (...), le soutien aux femmes qui travaillent et faire preuve de responsabilité financière », a poursuivi la ministre sur Europe 1. Si le gouvernement est dans son rôle de soutien, l’opposition reste campée sur son rôle… d’opposition. La droite a bien entendu cogné sur cette réforme via la voix de Valérie Pécresse qui reprend ainsi du service dans les médias. La secrétaire générale déléguée de l’UMP y a vu « une rupture scandaleuse du contrat de confiance de l'Etat avec les familles » tandis que le député Hervé Mariton fustigeait « une mesure injuste, incohérente et lâche ».

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

Comment calculer le quotient familial ? (Terra femina)

Réduire les allocations familiales des familles les plus aisées (France TV Infos)

Le sondage Viavoice pour Les Echos, France Info et BCPE (France Info-

 

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