L’épargne des ménages dans la bataille économique

vendredi 5 avril 2013

PEA ? Assurance vie ? Les deux ? Quelle épargne sera destinée à booster l’économie pour financer PME et ETI ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que le gouvernement procède à un grand ravalement de l’épargne après plusieurs années d’immobilisme. Immobilisme ? Vous avez dit immobilisme ? Il faut bien l’admettre, à part les livrets à taux promotionnels et boostés toujours placés en grande sécurité pour un épargnant échaudé par les crises, l’épargne n’a pas connu de grands bouleversements et ne sert au final, qu’à faire rouler le bilan des banques. Crise et règlementation bancaire ont encore confiné l’épargne dans cette direction. Les français détiennent pourtant un record notable, inégalé en Europe : en janvier 2012, on atteignait des records d’épargne  de 16,8 % des revenus des français. Cette année ce taux d’épargne est toujours aussi  élevé à 16,6 %. Quant à l’assurance vie, elle poursuit son chemin en pantoufles. Les contrats en euros, sans risques, représentent en effet 80 % des contrats souscrits en assurance vie.

Et pourquoi ne pas sortir l’épargne des ménages de ces chambres calfeutrées pour la propulser sur les routes de l’économie réelle ? Le 1er avril, François Hollande qui remettait le prix de l'audace créatrice à l'Elysée, a annoncé dans la foulée, sa volonté de « mobiliser davantage les placements des Français vers les produits longs et notamment vers les placements en actions dans les PME » avant d’ajouter que cette réforme pourrait s'inscrire dans « le cadre du PEA ». Le lendemain, une autre annonce était toute aussi intéressante : deux députés proposaient une assurance-vie « nouvelle formule ».

Eurocroissance, une assurance vie pour l’économie

L'assurance-vie, qui totalise tout de même 1,405 Md € d'épargne, s'apprête à subir un lifting. Dans un rapport remis mardi 2 avril au ministre de l’économie Pierre Moscovici, les députés PS, Dominique Lefebvre et Karine Berger, proposent d'en changer les mécanismes afin de la rediriger vers les petites et moyennes entreprises. Le premier objectif de la nouvelle assurance-vie, baptisée « contrat eurocroissance », serait de contribuer au financement des entreprises. Une peau neuve pour ce nouveau contrat qui sort des sentiers battus des contrats en euros peu rémunérateurs, pour privilégier au contraire les PME et l'innovation. Avantage : Eurocroissance permettrait de dégager des plus-values bien plus élevées.

Pour l'épargnant, cela signifierait donc des taux d'intérêts largement supérieurs aux 2,9 % dégagés l'an dernier par l'assurance-vie. Mais comme derrière chaque privilège se profile une contrepartie, ce nouveau contrat serait plus risqué car le capital ne serait plus garanti avant le terme du contrat. Aujourd'hui, le détenteur d'un contrat d'assurance-vie peut retirer son capital à tout moment, en payant simplement des impôts sur les plus-values. Si les contrats eurocroissance sont adoptés, ils pourraient être signés pour une durée définie à l'avance, et le signataire qui voudra retirer ses fonds avant l'échéance serait soumis aux aléas de la conjoncture : si son investissement n'a pas encore rapporté, il pourrait perdre une partie de son argent. A l'échéance du contrat, en revanche, il serait sûr de récupérer au moins le capital, voire plus en fonction des plus-values.

PEA OU PEO ?

Pour le PEA, le cheminement est à peu près le même pour le schéma avantages/contreparties. « Il ne s’agira pas de la transformation de l’actuel PEA en PEA/PME mais de la création d’un PEA bis », précise Didier Duhem, président fondateur de la Chambre nationale des conseils experts financiers (CNCEF). Création d’un nouveau produit, oui, mais sur le modèle du PEA existant et orienté spécifiquement vers les PME. Par contre, la CNCEF prêche pour une transformation encore plus radicale du PEA en l’articulant en « PEO » pour les PME, soit un Plan d’épargne obligations. Les arguments des experts financiers sont conjoncturels car les PME ne peuvent plus se financer par actions en raison des cours de bourse extrêmement bas. Ensuite, comme le précise Didier Duhem « tous les fonds communs de placements mid cap ont rencontré de vraies difficultés de retraits d’investissements et n’ont plus les moyens d’investir dans les PME ». Ainsi, à moins de 500 M €, les investisseurs considèrent qu’il n’y a pas grand intérêt à investir et « lorsqu’une PME veut financer 20 M €, seuls les épargnants particuliers peuvent investir, ajoute Didier Duhem. Si l’épargnant investit 10 000 €, il y aura toujours assez de liquidités sur le marché obligataire pour le rembourser ».

Actuellement, le PEA permet d'investir jusqu'à 132 000 € en étant exonéré d'impôt sur les plus-values réalisées, à condition de conserver ses actions pendant cinq ans. Pour rendre plus attractif les placements dans les PME, l'exécutif pourrait relever le plafond de ce nouveau produit au-delà des 132 000 €. Une demande de longue date du Medef, qui propose d'aller jusqu'à 200 000, voire 300 000 €. Enfin, ce produit serait très intéressant pour l’épargnant puisqu’en plus de son exonération fiscale, « son rendement serait attractif de l’ordre de 5 ou 6 % sur de bons risques », ajoute Didier Duhem. « C’est simple et pratique et cela correspond aux besoins des deux populations : entreprises et épargnants », conclut Didier Duhem.

Véronique Pierron

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