Le projet de loi sur la fraude fiscale adopté par les sénateurs

samedi 20 juillet 2013

Les parlementaires ne chôment décidemment pas. Jeudi, c’est au tour du Sénat d’avoir adopté le projet de loi sur la fraude fiscale à l’unanimité par 186 voix pour et 146 contre. Le texte avait déjà été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture et en procédure d’urgence, c'est-à-dire une seule lecture par chambre. Il va désormais partir devant une commission mixte paritaire composée de 7 sénateurs et de 7 députés. Commission qui sera chargée de trouver une version commune aux deux chambres car les sénateurs ont certes adopté le texte mais à l’aide de plusieurs amendements s’opposant à la création d’un magistrat et d’un parquet financier. Sans surprise, la droite s’est opposée au texte de même que le groupe RDSE à majorité radicale de gauche.

Si à gauche, les écologistes se sont abstenus, communistes et socialistes ont voté pour mais avec pour ces derniers, certaines réticences. Concernant la création du fameux magistrat financier, le sénateur socialiste Jean Pierre Michel, membre de la commission des lois s’est avoué « réservé sur cette création absolument aventureuse » de même que l’ancien ministre socialiste Alain Richard qui s’étant abstenu a estimé que « l’introduction d’un président isolé n'est pas le meilleur moyen pour améliorer le système actuel ». De son coté, le rapporteur de la commission des lois Jean-Pierre Sueur a justifié son vote favorable par « l’impérieuse nécessité de lutter contre la fraude fiscale » tandis que le rapporteur Alain Aziani voyait dans cette création « un signal fort de notre volonté de lutter contre la grande délinquance économique et financière ».

Le groupe RDSE par la voix de Jacques Mézard ne l’entend pas de cette façon et a reproché aux ministres Christine Taubira et Bernard Cazeneuve de proposer une « construction compliquée » en insistant sur le fait que le message à adresser est « un message fort aux fraudeurs, un message de répression efficace ».

Les sénateurs ont la dent dure

A droite, les langues sénatoriales sont aussi bien pendues car à en croire l’UMP Jean-Jacques Hyest « Ce procureur financier est un objet juridique non identifié ». Avec Michel Mercier (UDI-UC), ancien garde des Sceaux, il a plaidé pour élargir à des procédures nationales la compétence de l'actuel pôle financier existant au TGI de Paris. Mais les sénateurs s’en sont donnés à cœur joie avec le texte en rejetant dans la foulée son premier article qui devait ouvrir aux associations de lutte contre la corruption, le droit de déclencher l'action publique sur des faits pour lesquels le parquet n'a pas engagé de poursuites. Et non contents d’en rester là, les sénateurs de droite en rang serrés ont rejeté un amendement socialiste destiné à lutter contre le trafic de cigarettes qui prévoyait que les paquets et les cartouches devaient être revêtus d'un signe d'identification « unique, sécurisé et indélébile » pour permettre leur authentification et leur traçabilité, et lutter ainsi contre la contrebande. Comme l’amendement était somme toute politiquement correct, l'UMP n’a pas pu le balayer du revers de la main mais a estimé que même si son objectif était louable, il était « source de très grande instabilité » juridique et économique.

Sur le monopole de saisine du fisc en matière de fraude fiscale que voulait supprimer la commission des lois par un amendement, les sénateurs se sont aussi montrés très divisés. Amendement qui prévoyait la possibilité pour l'autorité judiciaire d'engager des poursuites sans autorisation préalable lorsque la fraude est apparue à l'occasion d'une enquête sur d'autres faits, ou quand elle a été commise en bande organisée. Il a finalement été rejeté par la Haute assemblée allant ainsi dans le sens du gouvernement. Enfin, ils ont adopté un amendement centriste obligeant les grands groupes de distribution à réintégrer dans leurs bénéfices imposables en France, les prestations versées par leurs fournisseurs à l'étranger, quand les produits livrés sont mis sur le marché français. En plus d'une fraude fiscale, Jean Arthuis (UDI-UC) a dénoncé un « moyen de contourner l'interdiction de marges arrières ».

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

Projet de loi sur la fraude fiscale (Ministère de l'Economie et des finances)

Procédure d’urgence, le gouvernement l’utilise-t-il trop ? (Le Monde)

Parquet financier (site officiel)

 

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