Premier ministre : Qui est Manuel Valls ?

lundi 31 mars 2014
AP

Né à Barcelone en 1962, ce fils d’artiste peintre a surtout été influencé par son grand père qui était rédacteur en chef d’un journal de gauche. Pendant la guerre civile espagnole, ce républicain grand teint réussit à cacher des anarchistes et des prêtres persécutés par les franquistes. C’est un des cousins de son père, Manuel Valls i Gorina, qui compose l’hymne du FC Barcelone ! Mais sa famille décide  d’émigrer en France et Manuel Valls obtient la nationalité française grâce à une procédure de naturalisation. Aujourd’hui, marié à la violoniste Anne Gravoin, il a quatre enfants d’un premier mariage.  

Etudes et débuts de carrière politique

Sa conscience politique est précoce. En 1980, à l’âge de 17 ans, il adhère au Parti Socialiste pour soutenir Michel Rocard car au sein du PS, il appartient à cette deuxième gauche, davantage  pragmatique que celle de François Mitterrand, plus à gauche. Pourtant, lors des élections présidentielles de 1981, il ne peut pas voter car il n’est pas encore naturalisé. Il ne renonce pas à la politique et pendant ses études  universitaires d’histoire à l’université Paris 1-Tolbiac, il adhère au syndicat étudiant socialiste, l’UNEF-ID où il joue le rôle de modérateur. Mais ce sera surtout au sein des réseaux rocardiens que Manuel Valls va trouver sa place. Il est pressé et à l’âge de 24 ans, le jeune homme est élu au conseil municipal d’Ile-de-France et devient premier vice-président.

Deux ans plus tard, en 1988, il est nommé par Michel Rocard alors premier ministre de François Mitterrand, consultant pour les affaires étudiantes. Après la démission de Rocard en 1992, il retrouve son poste au conseil régional d’Ile de France, qu’il ne quittera qu’en 2002. Quoique vaincu en 1997, au premier tour des élections législatives dans la 5ème circonscription du Val-d’Oise, sa carrière politique rebondit grâce à une nouvelle nomination dans un cabinet ministériel. Il devient conseiller pour la communication et la presse auprès du Premier ministre, Lionel Jospin. C’est notamment à ce poste qu’il noue des liens avec des membres du New Labor de Tony Blair.

Le député-maire d’Evry (2001-2007)

C’est en 2001 que Manuel Vals est élu maire d’Evry, ville nouvelle au sud de Paris créée dans les années 1960. Tout s’enchaine alors puisqu’un an plus tard, il est élu à l’Assemblée nationale française en tant que député pour la circonscription de l’Essonne. Mandat qu’il conservera en 2007.  Il garde aussi son mandat de maire d’Evry avec 60,12% des voix. Sa gestion de la commune est remarquée car  tout en défendant les couches populaires, il refuse l’angélisme sur les questions sécurité. Ainsi, pendant les émeutes de l’automne 2005, il est le seul socialiste à s’abstenir de critiquer l’instauration du couvre-feu. De même, pour lutter contre la ghettoïsation d’un quartier d’Evry, il n’hésite pas à s’opposer à l’installation d’un supermarché halal dans sa commune.

En 2007, par exemple, il propose aux commerçants d’installer un dispositif de télésurveillance pour lutter contre l’insécurité de certains quartiers d’Evry. Il déclare : « Aucun recoin de la ville ne doit être laissé aux voyous ». Pour changer l’image d’Evry et obtenir le calme, il double, en l’espace de six ans, les effectifs de la police municipale. Son objectif est de redorer le blason de la ville d’Evry et pour se faire, il ne lésine pas sur la communication – un de ses dadas -  pour faire parler de son action politique. Dès son arrivée à la tête de la ville, il crée, un nouveau logo pour Evry, remplace le bulletin municipal par trois revues en couleurs. Entre 2000 et 2003, les dépenses liées à la communication augmentent de… 852,6% ! En parallèle, de nouveaux promoteurs lancent de nombreux chantiers car l’objectif est d’attirer une classe sociale plus élevée dans le centre-ville.

Affirmation de sa différence au sein de PS

Avec le référendum de 2004 sur le traité constitutionnel Européen, Manuel Vals affiche sa différence avec la majorité des dirigeants socialistes. Ce refus de la Constitution européenne met en difficulté François Hollande alors premier secrétaire du PS. Valls est suspecté de manœuvres pour s’emparer du parti, critique à laquelle il réplique non sans ironie : « Ce bruit m’honore et fait monter mon ego déjà grand de plusieurs mètres». Manuel Vals fait en définitive volte face et au fur et à mesure de la campagne change radicalement de position, déclarant : « J’étais partisan du non, mais face à la montée du non, je vote oui ». Il votera avec d’autres élus de gauche «pour » la réforme du titre XV de la constitution permettant la ratification du Traité de Lisbonne (2007) lors du Congrès du Parlement français le 4 février 2008

Ces positions ne font qu’exacerber l’hostilité de ses adversaires au sein du Parti Socialiste, qui le désignent comme un homme à droite de la gauche. Lui préfère se présenter comme un partisan d’un social-libéralisme à la française pour lequel la société de marché, le travail, la lutte contre l’insécurité, la refonte de la loi de 1905 sur la laïcité ne doivent plus être des questions taboues à gauche. D’ailleurs, après la défaite de Ségolène Royal lors de la présidentielle de 2007, il s’en prend violemment à François Hollande, qu’il accuse d’immobilisme.

Depuis 2007, il multiplie les coups d’éclat et se considère comme un pragmatique qui entend expérimenter de nouvelles voies qui fonctionnent dans les pays voisins quitte à bousculer les orthodoxes du PS. Il a même évoqué publiquement la possibilité de changer le nom du Parti Socialiste pour entériner la modernisation de la gauche. En  2007, Manuel Valls lance aussi son propre club de réflexion : « Cercle 21, Gauche et modernité », fin octobre 2007. Il veut faire évoluer le PS car selon lui, le parti doit actualiser sa doctrine pour devenir un parti social-démocrate acceptant de gouverner avec le centre.

Il soutient Ségolène Royal en novembre 2008 lors de l’élection du nouveau premier secrétaire du PS mais c’est Martine Aubry qui remporte l’élection avec une simple poignée de voix en plus. Des suspicions de fraudes circulent alors. Faisant suite aux contestations des résultats du Congrès de Reims du PS, Manuel Vals réclame l’arbitrage des tribunaux sur ces suspicions de fraude électorale dans les fédérations du Nord et de la Seine-Maritime favorables à Martine Aubry. La réponse de la première secrétaire du PS est publique et le 14 juillet 2009, elle fait publier une lettre ouverte à Manuel Valls dans les colonnes du journal Le Parisien : « Mon cher Manuel, s’il s’agit pour toi de tirer la sonnette d’alarme par rapport à un parti auquel tu tiens, alors tu dois cesser ces propos publics et apporter en notre sein tes idées et ton engagement ». Elle poursuit : « Si les propos que tu exprimes reflètent profondément ta pensée, alors tu dois en tirer pleinement les conséquences et quitter le Parti socialiste. [...] Je te demande de me faire part de ton choix dans les jours qui viennent, et d’en assumer toutes les conséquences pour l’avenir »

Pourtant, plusieurs personnalités du PS comme Gérard Collomb, Jean-Noël Guérini ou Jean-Pierre Mignard soutiennent Manuel Valls face à Martine Aubry. Il ne compte pas quitter le parti et revoie à la Première secrétaire une lettre : « Je t’informe que j’entends bien rester fidèle à mon poste, à ma famille politique et à mes valeurs » mais précise « Je ne me ferai pas le silencieux complice de l’aveuglement ». Il ne s’arrête pas là dans sa fronde contre Martine Aubry et déclare le 2 janvier 2011, vouloir « déverrouiller les 35 heures », créant une nouvelle fois le trouble au sein du Parti socialiste.

Le 13 juin 2009, Manuel Valls annonce, son intention de se présenter à la primaire socialiste de 2011 en vue de l’élection présidentielle de 2012. Au soir du premier tour, le 9 octobre 2011, il est éliminé de la primaire avec un score de 6% des voix. Le soir de sa défaite, il rallie François Hollande pour le second tour qui le nomme au sein de son équipe de campagne, directeur de la communication pour la campagne présidentielle de 2012.

Ses orientations politiques

Manuel Vals s’inscrit dans une culture et une démarche proche de la social-démocratie allemande et scandinave. Il s’est lui-même définit par le passé comme « blairiste » ou « clintonien », et dit s’inscrire dans la lignée de Pierre Mendès France, Michel Rocard ou encore  Lionel Jospin. Il s’estime d’ailleurs « réformiste plutôt que révolutionnaire », il souhaite « concilier la gauche avec la pensée libérale ». À l’été 2011 par exemple, il déclare au site Rue89 que « des hommes et des femmes comme Dominique de Villepin, François Bayrou ou Corinne Lepage, pour ne citer qu’eux, peuvent faire partie, s’ils le souhaitent, d’une majorité de large rassemblement ». Une logique qu’il poursuit dans les domaines de l’économie et de l’intégration européenne, il est favorable à l’instauration de la « TVA Sociale », visant à augmenter la TVA sur des produits qui ne sont pas de première nécessité en échange d’un allègement des cotisations sociales sur les salaires. Lors d’une interview au journal Le Monde, le 25 juillet 2011, il déclare : « Une politique fiscale devra passer par une augmentation de la TVA. C’est la TVA-protection ou sociale que je propose ».

Il plaide aussi pour l’allongement de la durée de cotisations pour fixer l’âge du départ à la retraite et l’alignement des régimes spéciaux de retraite sur le régime général. Il s’est de plus, déclaré favorable en 2010 au contrôle de la Commission européenne sur les budgets nationaux, jugeant cela « incontestablement » nécessaire. Il déclarait à l’AFP le 16 mai 2010 : « Dans le monde tel qu’il est, qui a besoin de grands ensembles, on a besoin davantage d’intégration de nos politiques économiques, davantage de coordination, c’est vrai sur le plan monétaire, c’est vrai sur le plan budgétaire et c’est vrai sur le plan fiscal ». Sur le plan social, son principal souci est d’en finir avec la vieille garde du parti socialiste et pour ce faire, il se déclare favorable aux quotas d’immigration et approuve l’allongement de la cotisation de retraite à 41 ans.

Réformiste encore, il réclame une refonte de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État affirmant dans le magazine Réforme le 12 aout 2005 : « Personne ne veut y toucher, mais elle est contournée en permanence ; chacun cherche un subterfuge pour arriver à ses fins. […] Notre pays ne peut donc échapper à la révision même si ce n’est pas une révision avec un grand R. La loi a d’ailleurs été plusieurs fois modifiée depuis son adoption. La République pourrait s’offrir ainsi un moment symbolique pour donner un souffle nouveau à la laïcité. Il faut une révision publique de l’application de la laïcité qui passe par un débat parlementaire. Voilà un beau moyen de remettre l’idéal laïc au cœur de la société française et d’en faire une valeur partagée ».

Enfin, le 12 octobre 2009 dans les colonnes du Nouvel Observateur, Manuel Valls se déclare « en désaccord total » avec la proposition de dépénalisation ou de légalisation encadrée du cannabis faite par Daniel Vaillant qui visait pourtant, à priver les trafiquants d’une source de revenus.

 

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