Travailleurs détachés : quel accord ?

mardi 10 décembre 2013
AP

Le ministre français du Travail Michel Sapin salue « un accord en tout point conforme à ce que voulait Paris » dans le dossier sensible des « travailleurs détachés ». La France, comme l’Allemagne, étaient favorables à une intensification des contrôles, contrairement à d’autres pays qui craignaient plutôt pour la libre circulation des travailleurs. C’est le premier front qui l’a emporté. 

Qu’appelle-t-on un « travailleur détaché » ? Leur statut est régi par une directive européenne qui date de décembre 1996 : un travailleur est dit « détaché » quand une entreprise l'envoie provisoirement travailler dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Sa mission est donc ponctuelle, et ce travailleur bénéficie des conditions de travail et de salaire du pays d'accueil. Mais il doit acquitter ses cotisations sociales dans son pays d'origine, puisque son entreprise y est basée. En 2006, la directive Bolkenstein est venue modifier cette directive, sans bouleverser le statut des travailleurs détachés. 80% d’entre eux sont des ouvriers. En Europe, ces travailleurs détachés sont 44% à travailler dans le secteur des services, ils sont 30% dans le domaine de l'industrie, et 24% dans la construction. En France, 40% d'entre eux viennent gonfler les rangs du bâtiment, mais le travail temporaire, l'industrie et l'agriculture sont aussi concernés.

Et dans la réalité ? Sur le papier, l’employeur est censé appliquer les conditions de travail du pays d’accueil, soit un salaire minimum, et un temps de travail légal. Les cotisation sont cependant versées et calculées selon le pays d’origine. Problème : Nombre de société d’intérim sont implantées dans des pays où les cotisations sociales sont inférieures au standard de pays souvent plus riches, comme l’Allemagne ou encore la France. Ainsi, même appliqué dans les règles, le contrat effectué avec des travailleurs « détachés » fait de l’ombre à la main d’œuvre locale. D’autre part, faute de contrôles efficaces, les règles sont régulièrement bafouées, notamment dans le secteur du bâtiment où les salariés sont souvent payés en-deçà du salaire minimum.

Outils juridiques et moyens humains. Après plus de huit heures de discussions, les ministres du Travail des 28 ont trouvé un terrain d'entente : le principe de « responsabilité solidaire » sera appliqué. Ce sont les donneurs d’ordre dans le BTP qui pourront être mis en cause. Le principe de responsabilité deviendra obligatoire dans le bâtiment, limitant les abus, notamment de la part des filiales impliquées dans les fraudes. Le texte prévoit aussi que les pays n'ayant pas un tel système juridique mettent en place un équivalent. Une « liste ouverte » de documents  pourra être réclamée par les gouvernements de chacun des pays européens à une entreprise détachant des travailleurs sur son territoire. Ils devront en informer la Commission qui décidera si les mesures prises sont « proportionnées. »Sept pays ont toutefois voté contre ces mesures : le Royaume-Uni, qui voit d’un mauvais œil toute nouvelle réglementation pour les entreprises, ainsi que la Hongrie, la République tchèque, la Lettonie, l'Estonie, la Slovaquie et Malte.

Léa Maltais

Pour en savoir plus :

Liste des documents requis (YouTube)

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