L’appel de la francophonie contre la régression des droits des femmes

samedi 23 mars 2013

Le 20 mars est célébrée la journée internationale de la francophonie. Cette année, elle a été dédiée aux femmes, en particulier à la lutte contre « les violations graves et massives des droits des femmes et des filles », avec la tenue à Paris du premier « forum mondial des femmes francophones » - elles sont 120 millions dans le monde. Organisé au musée du Quai Branly par la ministre déléguée chargée de la Francophonie, Yamina Benguigui, ce forum a réuni 400 « combattantes francophones » de la société civile issues de 77 pays (militantes d’ONG, enseignantes, médecins, avocats,…) venues témoigner et réclamer un plan d’action pour les femmes francophones pour endiguer le recul de leurs droits et l’aggravation des violences qu’elles subissent, notamment au Mali, en RDC ou encore en Tunisie, où les femmes ont été « la tribune de la révolution » et se sont vues retirer des droits par la nouvelle constitution selon la ministre.

« La violence, le viol, l’excision et la lapidation ne sont pas des valeurs francophones », « nous devons être des sentinelles » afin de « lutter pour le droit des femmes » et « contre toutes les formes de relativisme culturel » a déclaré Yamina Benguigui. Les ministres des Droits des femmes et des Affaires étrangères, Najat Vallaud-Belkacem et Laurent Fabius, le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, la directrice exécutive d’ONU Femmes, Michelle Bachelet et la directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, ont participé à l’événement qui s’est clôturé à l’Élysée avec la remise de « l’appel des femmes francophones » à François Hollande.

Les femmes devenues un « terrain de la guerre »

Le constat du forum est accablant. Au sein de l’espace francophone, si les femmes doivent continuer à se battre dans certains pays pour faire appliquer leurs droits dans des domaines tels que l’emploi ou l’égalité, dans d’autres, elles doivent lutter quotidiennement pour leurs droits les plus élémentaires. La République démocratique du Congo (RDC) et le Mali, notamment, sont le théâtre de guerres qui ont « exacerbé les discriminations qui existaient déjà » selon la présidente de l’ONG congolaise SOFEPADI, Julienne Lusenge. Outre les discriminations, les violations des droits, notamment liés à l’éducation ou encore les violences quotidiennes, les femmes sont devenues un « terrain de la guerre » et le viol une arme de guerre.

Le Dr Denis Mukwege, spécialiste dans la chirurgie réparatrice des mutilations sexuelles exerçant en RDC a déclaré, comme le rapporte La Croix : « Les viols ne sont absolument pas un phénomène culturel. J’étais déjà gynécologue plus de 14 ans avant la guerre et ces viols sont survenus avec la guerre, comme une arme de plus, une stratégie de destruction. » Témoin de cas de viols suivis de tirs détruisant l’appareil génital des victimes – 45 cas en une année – le Dr Mukwege ajoute « On détruit la vie à son origine (…) la femme est prise pour cible pour atteindre un objectif militaire, son corps devient le champ de bataille. Son viol se fait en public, devant les enfants, le mari, qui sont anéantis et prêts à être battus ». Selon lui, « il faut lutter contre l’impunité ». « Assez de textes, des actions ! » a lancé Julienne Lusenge.

Pour « un plan d’action concret » dans l’espace francophone

Déplorant la menace qui pèse sur les droits acquis par les femmes, la négation et la régression de leurs droits dans le monde ces dernières années, notamment dans l’espace francophone, ainsi que les dissensions - en particulier sur la reconnaissance des droits sexuels et reproductifs et les pratiques culturelles néfastes - qui ont miné les dernières initiatives internationales telle que la Commission sur le statut des femmes des Nations unies (CSW) de mars 2012, le forum a souhaité recueillir le témoignage de ces 400 militantes, « promouvoir la parole des femmes » et créer « un réseau actif » de mobilisation dans l’espace francophone. Son objectif : lancer « un appel pour le droit des femmes avec des engagements concrets, dans la perspective du sommet de la francophonie de 2014 à Dakar », mais également de la CSW de 2013 et de l’actualisation des « Objectifs du millénaire pour le développement » en 2015.

Comme l’a précisé Laurent Fabius, « la promotion des droits des femmes, et notamment l’éducation, est une condition et un moteur du développement » et « la francophonie est une enceinte parfaitement adaptée » pour cette promotion car « ce n’est pas seulement une langue » en commun, « ce sont surtout des droits et des valeurs ». Il a en outre évoqué sa volonté d’un « déploiement, dans le cadre de la prochaine mission de l'ONU au Mali, de conseillers de protection des femmes qui seront chargés spécifiquement des questions de lutte contre les violences sexuelles. »

Dans le cadre des trois tables rondes autour des thèmes « protéger les femmes : comment arrêter les violences et garantir les droits ? », « bâtir l’avenir : comment mieux assurer l’éducation des filles, de l’alphabétisation à l’enseignement supérieur ? » et « femmes, actrices du développement », les participantes ont apporté leurs témoignages, des pistes de réflexion et des solutions afin de proposer « à la France de soumettre aux instances de la francophonie un plan d’action concret pour les femmes francophones » pour que « le principe universel des droits des femmes (…) trouve au quotidien sa pleine mise en œuvre ». Il s’agit de renforcer leur autonomisation, de leur donner un accès à l’éducation, à l’emploi, à la justice, aux services de soins et aux responsabilités dans les domaines politique, économique et social. Les conclusions de ce forum seront remises au président de la République française et au secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, qui, à l’occasion de ce forum, a annoncé sa volonté de consacrer, en 2013, l’intégralité du Fonds francophone d’initiatives pour la démocratie, les droits de l’homme et la paix à des ONG luttant contre les violences faites aux femmes.

Anne-Laure Chanteloup

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