Valls sort l’artillerie du 49.3

mercredi 18 février 2015
AP

Le gouvernement a sorti l’artillerie lourde de l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer la loi Macron sans vote à l’Assemblée Nationale. Et au regard du visage fermé et tiré qu’affichait Emmanuel Macron alors que le Premier ministre annonçait le recours à l’article 49.3, on pouvait sans trop se tromper, estimer que le ministre de l’économie vivait un grand moment de solitude comme les hommes et femmes  politiques en vivent peu au cours de leur vie. C’est sa victoire à l’arrachée certes, mais victoire par le vote démocratique qu’on venait de lui ravir à lui, l’enfant prodige du gouvernement qui n’avait jamais été confronté au pouvoir des urnes.

 Et Manuel Valls annonçait la couleur : « Une majorité existe vraisemblablement sur ce texte, mais elle est incertaine. Dès lors, et c'est ma responsabilité (...), je ne prendrai pas la responsabilité du risque d'un rejet d'un tel projet que je considère comme essentiel pour notre économie »,  a martelé le Premier ministre. Et le moins que l’on puisse dire est que la journée d’hier a eu son lot de couacs avec en ligne de mire ce communiqué de presse reçu par les journalistes, qui annonçait en début d’après midi l’adoption de la loi Macron. C’est l’intervention du Premier Ministre au pupitre de l’Assemblée Nationale qui a dissipé les malentendus. «  J’engage donc la responsabilité du gouvernement », a déclaré le premier ministre. Et après avoir remercié, le ministre de l’économie toujours figé, il assène : « Rien ne nous fera reculer, c’est l’intérêt des Français  d’agir ainsi ».

 

Utilisé 83 fois depuis 1958

L’article 49.3 n’avait plus été enclenché par un gouvernement depuis 2006 lorsque Dominique de Villepin avait fait passer en force la réforme du Contrat première embauche(CPE).  Ce fameux article de la constitution est une véritable bombe atomique dans l’arsenal législatif du pouvoir, dicté par la volonté du général de Gaulle et de son entourage alors que les épouvantails  des IIIème et IVème Républiques agitaient encore leurs lambeaux d’instabilités, à la fois politique et gouvernementales, sur le France d’après guerre.  Il permet ainsi au Premier ministre d’engager sa responsabilité sur un texte de loi qui est considéré comme adopté sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée par l’Assemblée. Dans ce cas, le gouvernement doit démissionner. Depuis la réforme de 2008, la Constitution lui réserve le droit de le faire une fois par session parlementaire, hors projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

Utilisé à 83 reprises depuis l’avènement de la Vème République, le champion toute catégorie est Michel Rocard qui s’en est servi 28 fois entre 1988 et 1991. Si le 49.3 permet de faire passer des textes par la force, il raconte aussi en substance l’aveu d’un gouvernement impuissant à faire passer des textes cruciaux.  N’était-ce pas un certain François Hollande qui affirmait en 2006 pour répondre à la décision de Dominique de Villepin d’utiliser le fameux article : « Le 49.3 est une brutalité, le 49.3 est un déni de démocratie, le 49.3 est une manière de freiner ou d'empêcher le débat parlementaire » ? Mais en vérité, le recours au 49.3 arrange tout le monde. Les frondeurs du PS estiment avoir gagné l’épreuve de force alors même qu’ils voteront la confiance au gouvernement  et ce dernier balaie du coup les polémiques et demies-victoires qu’aurait pu augurer un vote à l’arrachée. Ballet de dupes ?

Véronique Pierron

Pour en savoir plus :

L’article 49.3 de la Constitution

Utilisé à 83 reprises depuis l’avènement de la Vème République

 

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