Naufrage du Bugaled Breizh : échec de l’audience de la dernière chance

vendredi 6 mars 2015
Crédit: Mer et Marine

Onze ans après le naufrage au large des côtes anglaises du chalutier breton Bugaled Breizh, les espoirs des familles des disparus se sont envolés après que l’avocat général de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes ait réclamé une confirmation du non-lieu dans cette affaire et mis la décision en délibéré au 13 mai.

L’audience, qui s’est tenue à huis clos pendant près de six heures et en continu, a renvoyé les familles à leurs interrogations, elles qui étaient venues contester l’ordonnance de non-lieu décidée en mai 2014 et qui continuent de penser que le chalutier a été happé vers les fonds par un sous-marin qui aurait été pris dans ses filets de pêche.

« Je me suis demandé si j’allais venir, » a confié à Libération Rémy Gloaguen, le frère d’une des victimes. « J’en ai parfois ras-le-bol d’entendre parler de ce bateau.[...] Et puis je me suis dit que par rapport à eux, aux victimes, qu’on n’avait pas le droit, qu’il fallait aller jusqu’au bout, même si on a des coups de mou. »

Connaîtra t’on un jour la vérité sur ce qui s’est passé ? Le 15 janvier 2004 le chalutier Bugaled Breizh sombre au large de l’Angleterre avec cinq marins-pêcheurs à son bord. Il a été établi qu’au même moment dans cette même zone se déroulaient des exercices de la Marine britannique ainsi que des manœuvres de l’Otan avec des sous-marins britanniques, américains et français.

Dans un premier temps, en mars 2005, une expertise privée avance « l’hypothèse très vraisemblable » d’un accrochage avec un sous-marin, hypothèse confirmée le 1er septembre 2006 après une nouvelle expertise lancée par un juge d’instruction. Le 21 septembre, le laboratoire national d’essais vient renforcer cette thèse en notant la présence de traces « inexpliquées » de titane sur le câble de chalut bâbord.

Mais en juin 2011, une nouvelle expertise remet tout en cause en affirmant que le titane retrouvé « ne peut être considéré comme un indice de la présence d’un sous-marin ». Même conclusion deux ans plus tard après une nouvelle expertise, ce qui pousse la justice à clore l’instruction de ce dossier et à prononcer un non-lieu le 27 mai 2014.

Toujours convaincus qu’un sous-marin est responsable de l’accident mortel, les proches des marins disparus et leurs avocats attendaient de cette audience une remise en cause du non-lieu et que la France reconnaisse avoir sa part de responsabilité. L’armateur du chalutier, Michel Douce, qui avait assigné l’Etat en justice a reçu une réponse du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui insiste sur l’absence de preuves d’une quelconque culpabilité de l’Etat français : « La justice n'a pas établi de lien entre ces manœuvres et le naufrage, et aucun engagement de l'Etat dans cet accident n'a pu être démontré. »

Dominique Tricaud, l'un des avocats des familles, a dénoncé un « déni de justice » et un dossier qu’il estime placé « sous le signe du mensonge par action et par omission. » Il a qualifié la plaidoirie pour la confirmation du non-lieu d’ « insulte à la mémoire des victimes et de la Bretagne qui se bat depuis 10 ans. »  La décision de la cour d’appel sera rendue le 13 mai.

Fanny Dassié

Pour en savoir plus :

Une der des ders au goût amer (Libération)

L'armateur M.Douce assigne l'Etat en justice (Ouest-France)

L'avocat général demande la confirmation du non-lieu (Ouest-France)

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