Ministre des Affaires européennes : Qui est Bernard Cazeneuve ?

jeudi 31 mai 2012

 

Bernard Cazeneuve nait  le 2 juin 1963 à Senlis dans une famille de gauche. Son père est le responsable du Parti socialiste dans l’Oise. Il raconte à l’envie que son engagement politique date d’un meeting de François Mitterrand auquel il assista avec son père quand il était encore un très jeune homme. Une vocation pour la politique qui ne se démentira pas par la suite quand, lors de ses études à Institut d’études politiques de Bordeaux, il dirige la fédération du mouvement des jeunes radicaux de gauche de la Gironde. Mais ce n’est qu’après son passage à l’IEP de Bordeaux qu’il s’inscrit au Parti socialiste.

Au sortir de l’école, il choisit dans un premier temps d’embrasser une carrière de juriste à la Banque populaire, avant d’intégrer les cabinets ministériels à partir de 1991, année où il devient conseiller technique au cabinet de Thierry de Beaucé, secrétaire d’État chargé des Relations culturelles internationales. Il sera nommé l’année d’après, chef de cabinet d’Alain Vivien, le secrétaire d’État chargé alors des Affaires étrangères, puis chef de cabinet de Charles Josselin, le secrétaire d’État à la Mer en 1993. Date à laquelle, il devient aussi secrétaire général du Conseil supérieur de la navigation de plaisance et des sports nautiques.

 

Parachutage dans la Manche…

Pour cet homme d’appareil, la rencontre avec le terrain se fait en 1994, année où il est parachuté sur le canton d’Octeville pour mettre fin aux divisions socialistes locales qui avaient fait perdre la mairie du chef-lieu en 1989. Il est élu conseiller général et sur cette lancée électorale, il reprend la mairie d’Octeville à la droite. L’année suivante, et remporte la 5ème circonscription de la Manche aux législatives de 1997. Impliqué malgré son parachutage, la campagne qu’il mène pour le « Grand Cherbourg », visant à fusionner six communes de l’agglomération cherbourgeoise est couronnée de succès puisque le référendum  local sur cette question aboutit à la réunion de Cherbourg et Octeville. Nouvelle commune dont il devient le maire en 2001.

A coté de cet engagement politique, il poursuit en parallèle une carrière juridique comme juge titulaire à la Haute Cour de justice et à la Cour de justice de la République pour la durée de son premier mandat de parlementaire. Lorsque ce mandat prend fin, il s’inscrit comme avocat au barreau de Cherbourg-Octeville en 2003. D’ailleurs en 2006, il rejoindra l’équipe « Public, règlementaire et concurrence » au sein du cabinet parisien de droit des affaires August & Debouzy, en qualité d’avocat non-associé. Dans son livre « La République du copinage » publié aux éditions Fayard, Vincent Nouzille mentionne que ce cabinet « se charge de dossiers de lobbying » en faveur du Parti socialiste.

 

… Puis implantation

Coté politique, il hésite lorsqu’en 2004, le parti socialiste lui demande de prendre la tête de la liste manchoise pour  l’élection régionale en Basse-Normandie. En fin de compte, c’est François Hollande qui le convainc. Cette candidature va cependant sceller la rupture de la gauche socialiste avec les verts en raison des prises de position de Bernard Cazeneuve en faveur du nucléaire.  Dans un département où sont implantées des infrastructures nucléaires aussi importantes que la centrale de Flamanville, ou encore l’usine de retraitement de la Hague et l’arsenal de Cherbourg, le clash avec le parti écologiste était inévitable. Ces derniers s’unissent alors aux Radicaux de gauche pour le premier tour. Mais Bernard Cazeneuve est élu et devient premier vice-président du Conseil régional, et préside le Comité régional de tourisme normand, commun aux deux régions administratives de Normandie.

Il transforme son parachutage en véritable implantation régionale lorsqu’en 2007, il remporte les élections législatives avec un score de 58,96 %. Il démissionne alors de son mandat régional pour se présenter à l’élection municipale de Cherbourg Octeville qu’il remporte dès le premier tour en mars 2008 puis prend la présidence de la Communauté urbaine de Cherbourg. A sa tête, Bernard Cazeneuve travaille à accentuer le caractère maritime de Cherbourg-Octeville, à travers l’organisation de festivités nautiques comme les courses internationales de voile, et la rénovation des quartiers des Bassins et des Provinces.

 

Le rapporteur de Karachi

Secrétaire de la commission de la défense nationale à l’Assemblée, il est rapporteur en 2010 de la mission parlementaire sur l’attentat de Karachi. Il va mener un combat acharné pour que la vérité se fasse jour sur l’attentat qui, le 8 mai 2002, au Pakistan, a coûté la vie à quinze personnes, dont onze salariés de la Direction des constructions navales (DCN), entreprise phare de la commune de Cazeneuve. Les 23 techniciens se trouvaient alors dans un autocar qui devait les emmener à la base navale où des sous-marins étaient assemblés, lorsqu’un fanatique a lancé sa Toyota bourrée d’explosifs contre le bus. L’explosion fait 14 morts et 12 blessés.

Bernard Cazeneuve recueille alors les témoignages, auditionne tous les acteurs ayant pu avoir à connaître de cette affaire. Il se heurte à de multiples obstacles et silences. Son rapport, rendu en 2010, privilégie la piste islamiste sans écarter les autres hypothèses. Auditionné par la mission le 24 novembre 2009, le ministre de la défense de l’époque François Léotard, considère dans une interview au journal Le Monde le 3 décembre 2010, que  la piste Al-Qaida est « peu probable » et penche plutôt pour « une vengeance de personnes n’ayant pas touché leur part de commissions ». Bernard Cazeneuve a raconté ce combat dans un livre, Karachi, L’Enquête impossible publié chez Calmann-Lévy. Une « affaire d’Etat » loin encore loin d’avoir révélé tous ses secrets.

 

Porte parole de la présidentielle Hollande

Nul doute que sur ce dossier comme sur ceux qui touchent de près ou de loin les questions de défense, le député-maire de Cherbourg inspirera la plume et les orientations du candidat Hollande. Cette implication a sans doute valu à ce proche de Laurent Fabius, sa désignation par François Hollande comme l’un de ses quatre porte-parole de campagne pour l’élection présidentielle de 2012. Choix qui avait étonné car nonobstant sa moindre notoriété par rapport aux autres porte-paroles, sa proximité avec Fabius dont l’inimitié historique avec François Hollande est connue, en faisait un handicap. Mais c’était sans compter que de longue date, Bernard Cazeneuve entretenait d’excellentes relations avec le député de la Corrèze.

Jusqu’alors méconnu du grand public, le député-maire de Cherbourg devient alors l’un des rouages essentiels de l’équipe de campagne de François Hollande, dont il est l’un des porte-parole. Il prend en charge les questions industrielles et le dossier nucléaire. Il prêche pour la non remise en cause du chantier EPR à Flamanville et du retraitement des déchets nucléaires à l’usine de la Hague. Il est de tous les déplacements du candidat socialiste, dès lors que la thématique est peu ou prou industrielle. C’est pourquoi, il est évoqué assez tôt comme ministrable et a pu être « vu » à la Défense ou à la « Justice » avant d’être nommé aux affaires européennes.

Véronique Pierron

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